
Quelles sociétés utiliser en gestion de patrimoine ?
La création d’une entreprise est un opération risquée pour le patrimoine du créateur et celui de sa famille. C’est la raison pour laquelle il est indispensable de connaître quelles sociétés sont à utiliser en gestion de patrimoine.
Selon l’INSEE, 995 900 entreprises ont été créées en France en 2021. Il s’agit d’un record depuis 2010. En tête de liste nous retrouvons les entreprises individuelles qui représentent toujours la grande majorité des immatriculations avec 724 900 unités, soit près des 3/4 des créations. Le statut de micro-entrepreneur constituant à lui seul 641 500 enregistrements. Quant aux sociétés elles accusent une progression de 24% par rapport à 2020 et représentent 271 000 créations d’entreprises.
Distinction entre les Sociétés civiles et les sociétés commerciales
Le droit français permet d’organiser son patrimoine à l’aide de différentes formes de sociétés. Il convient de se poser la question de savoir quelle société utiliser en gestion de patrimoine car le choix de la structure est déterminant et il engendrera des conséquences parallèlement civiles et fiscales. Il convient d’anticiper ces conséquences pour optimiser à la fois le développement du patrimoine mais également sa transmission.
En effet, le degré de risque est variable selon que l’entreprise créée est une entreprise individuelle ou une société. Parmi l’éventail de formes de sociétés possibles, il convient de distinguer les Sociétés Civiles des Sociétés Commerciales.
Les sociétés civiles (définies par les articles 1845 et suivants du Code Civil) sont les plus usitées en matière de patrimoine mobilier et immobilier, en agriculture et dans le cas d’activités libérales.
Les sociétés commerciales sont déterminées soit par leur forme, soit par leur objet social (article L 210-1 du code de commerce). Les actes de commerce sont énumérés dans l’article Article L110-1 du code du commerce.
Ainsi, lors de la gestion d’un patrimoine nous pouvons rencontrer :
La SARL de Famille
- ♦ Il s’agit d’une société à responsabilité formée seulement entre des individus ayant un lien de parenté en ligne directe ou collatérale, entre frères et sœurs, entre conjoints ou entre partenaires pacsés.
- ♦ L’activité de cette structure doit être industrielle, commerciale, artisanale ou agricole.
- Atouts :
- ♦ Ce qui rend cette forme de société intéressante dans le cadre de la gestion de patrimoine, c’est le fait qu’il soit possible d’opter pour l’imposition des sociétés de personnes, et ce, sans limitation de durée. ( Article 239 bis AA du Code général des impôts ).
- Pour rappel, une SARL classique (société de capitaux) est par défaut soumise à l’impôt sur les sociétés (IS) et peut opter à l’IR mais pour une durée limitée de 5 ans.
- ♦ Ainsi, les bénéfices de la SARL de famille sont imposés à l’IR, tout comme une société de personnes. Ce qui induit que les bénéfices sont imposés au nom des associés en fonction de leur quote-part de détention du capital social qu’il possède dans la société, dans la catégorie BIC (bénéfices industriels et commerciaux) ou BA (bénéfices agricoles). Il en va de même, en cas de déficit dans une SARL de famille, car celui-ci est également à imputer au niveau des associés.
La Société Civile (art. 1845 et suivants du Code Civil)
- ♦ Il faut obligatoirement au minimum deux associés pour constituer une société civile.
- ♦ L’objet social devra être choisi avec soin et ne pas être trop restrictif. Il devra représenter précisément les activités exercées qui devront être obligatoirement de nature civile et non commerciale.
- Atouts :
- ♦ Dans le cadre de la gestion de patrimoine, la société civile est très souvent utilisée par elle permet de diminuer le taux d’imposition des revenus locatifs, ou encore d’appliquer une décote sur la valeur du patrimoine à partir duquel seront calculés les droits de donation, de succession, ainsi que l’ISF.
- ♦ La création d’une société civile vous permet de gérer un patrimoine et de préparer la transmission de celui-ci à vos héritiers en évitant les blocages liés à l’indivision et en limitant les coûts dus à la succession. Car contrairement à l’indivision, les décisions sont prises lors du vote de l’assemblée générale des associés. Les règles de corum et de majorité peuvent être fixées par les statuts. Mais attention cependant, car en l’absence de dispositions statutaires précises, la règle demeure l’unanimité. L’indivision quant à elle, impose que toute décision nécessite en principe l’accord de tous les indivisaires ou au moins des deux tiers d’entre eux ce qui occasionne parfois une situation d’entrave.
- ♦ Enfin, il peut être judicieux pour des conjoints d’apporter un bien à une société civile. Dans ce cas, le bien serait alors soumis aux règles fixées dans les statuts de la société et échapperait ainsi aux règles définies par leur régime matrimonial (bien propre ou bien en communauté). Ceci pourrait éviter dans certaines circonstances d’avoir à modifier le régime matrimonial des époux.
La Société par Actions Simplifiées (art. L 227-1 à L.227-20 du code de commerce)
- ♦ Pour gérer son patrimoine, la SAS est utilisée pour constituer les sociétés HOLDING en raison de la souplesse d’organisation et des possibilités d’évolution qu’elle propose. Les Holdings sont des sociétés qui ont pour seul objet de détenir (to hold) et de gérer des participations ou droits sociaux dans d’autres entreprises. La Holding est donc une société « mère » qui détient des parts dans des sociétés « filles ». La forme commerciale de la SAS est très souvent privilégiée lorsque la société mère réalise des prestations de services pour le compte de ses filiales.
- Atouts :
- ♦ Ce type de structure permet de nombreux avantages juridico-financiers, notamment la capacité d’endettement de la société mère qui constituera un formidable effet de levier.
- ♦ Les articles 145 et 216 du code général des impôts permettent sous certaines conditions une exonération de l’impôt sur les sociétés sur les dividendes émanant de la société fille et perçus par la société mère. Pour bénéficier de ce régime, la société mère doit détenir au moins 5% du capital de la société fille et s’engager à conserver ces titres durant au moins deux années. Si elle ne détient pas 5% du capital, il est permis qu’elle n’en détienne que 2.5%, mais alors, elle devra dans un même temps, détenir aussi 5% des droits de vote.
- Par conséquent, les dividendes versés à la société mère ne sont pas soumis au taux de 25 % d’imposition à l’I.S. (taux en vigueur en 2022). L’impôt sera calculé seulement sur la base d’une quote-part de frais et de charges équivalentes à 5% du produit total des participations, crédit d’impôt compris.
L’Entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL)
- ♦ L’entrepreneur individuel est responsable totalement, indéfiniment et solidairement au titre de son activité professionnelle sur l’ensemble de ses biens (personnels et familiaux également). Depuis le 08 aout 2015, la résidence principale de l’entrepreneur individuel est désormais insaisissable par ses créanciers. Pour ses autres biens fonciers (s’ils ne sont pas affectés à l’usage professionnel), il dispose de la faculté de réaliser une déclaration d’insaisissabilité afin d’éviter que les créanciers professionnels ne puisse également les saisir. Cette déclaration d’insaisissabilité devra obligatoirement être réalisée par un notaire et publiée au registre des hypothèques.
- ♦ Cependant, pour se protéger davantage, il a la possibilité de constituer une EIRL.
- Atouts :
- ♦ L’EIRL permet la création d’un patrimoine affecté (Articles L 526-6 al.1er à L. 526-21 du code de commerce) . Ce qui signifie que l’entrepreneur protège ses biens (autres qu’immobiliers) puisque certains d’entre eux seulement seront affectés à l’entreprise. Ils seront donc considérés distinctement du patrimoine privé de l’entrepreneur individuel. Il peut ainsi « cloisonner » son patrimoine entre usage privé et usage professionnel, sans être contraint de créer une personne morale, mais tout en restant propriétaire de l’ensemble de ses biens. Les créanciers professionnels ne pourront saisir que les biens affectés à l’usage professionnel.
- ♦ De ce fait, le patrimoine affecté se compose de l’ensemble des biens, droits, obligations ou sûretés détenus par l’entrepreneur et qui sont nécessaires à l’activité professionnelle et ne peuvent être utilisés que dans ce cadre. A cette fin, il lui suffit d’effectuer une déclaration d’affectation du patrimoine au registre de publicité légale dont il relève, en fonction de la nature de l’activité qu’il exerce (registre du commerce, registre des métiers, chambre d’agriculture…). Pour les biens immobiliers, l’affectation doit toujours être faite par acte notarié et publiée au bureau des hypothèques.
Loi du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante.
A la suite de cette nouvelle loi publiée le 14 février dernier, le statut de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL) mentionné dans le paragraphe ci-avant, qui avait été institué par une loi du 15 juin 2010, va s’éteindre de manière progressive. En effet, ses principaux avantages sont repris dans le nouveau statut.
Aussi, le nouveau statut adopté le 14 février 2022 tout comme le statut de l’EIRL protègera le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel en l’empêchant de devenir saisissable par les créanciers professionnels. La séparation des patrimoines sera facilitée. Il sera désormais inutile de procéder à une démarche administrative ou d’information des créanciers car la séparation du patrimoine privé et professionnel sera automatique. Pour en savoir plus sur cette nouvelle loi.
Par ce petit tour d’horizon nous avons pu constater quelles sont les sociétés à utiliser en gestion de patrimoine en fonction des objectifs recherchés par le créateur d’entreprise. Ce créateur d’entreprise ou de société doit prévoir tous les changements susceptibles d’intervenir dans le devenir de son entité et anticiper les problèmes qui peuvent se révéler à l’occasion de ces changements. Un conseiller en gestion de patrimoine pourra l’accompagner efficacement dans la réflexion à mener.